La transposition didactique n’est pas un mystère. C’est la recréation d’un savoir dans une situation d’enseignement, qui diffère grandement de celle de la recherche scientifique. La situation d’enseignement a ses contraintes propres, non moins exigeantes quant au sens à donner à l’objet du savoir mis en scène. Mais, pourquoi utiliser la transposition didactique ?
Pourquoi la transposition didactique ?
Le système d’enseignement pourrait se modeler à la volonté de nos désirs, dont il ne serait qu’une projection, dans la matière inerte d’une institution. Il est ce qu’on le fait et, en fin de compte, on y trouve ce qu’on y a mis. Cette foi naïve s’explicite, en un credo singulier : celui de la recherche-action.
Pourquoi y a-t-il transposition didactique ?
La réponse — « Parce que le fonctionnement didactique du savoir est autre que le fonctionnement savant, parce qu’il y a deux régimes du savoir, en interrelation, mais cependant non superposables »
Cette réponse amène une nouvelle question. Elle permet d’élargir la thématique du questionnement et d’approfondir le débat (pour creuser profond, il faut creuser large). La transposition didactique a lieu quand des éléments du savoir savant passent dans le savoir enseigné.
Mais pourquoi de tels flux sont-ils nécessaires ?
Ordinairement, le savoir enseigné vit très bien refermé sur lui-même, dans une douce autarcie, protégé par ce que nous avons appelé la « clôture de la conscience didactique » . Cette mise à l’écart, si éminemment fonctionnelle, du reste du monde. Et même, le fonctionnement didactique révèle, à l’observation, une véritable capacité de production de savoir, à des fins d’autoconsommation.
Cette créativité didactique introduit ainsi maintes variations sur les grands motifs de plus haute ascendance. (de l’unique cosinus des mathématiciens elle en tire deux, le grand et le petit, en toute l’égalité mathématique, en toute légitimité didactique). Jusqu’à un certain point, le fonctionnement didactique est donc capable de pourvoir à ses propres besoins en savoir à enseigner.
Pourquoi alors, un jour, à de certains moments de son histoire, cette paisible économie doit-elle s’ouvrir à des apports qui ne sont pas de son cru ? Pourquoi ce fonctionnement, apparemment harmonieux et serein, en vient-il un jour à entrer en crise ?
Il faut maintenant structurer plus finement ce que j’ai appelé son « environnement ». Concrètement, les systèmes didactiques sont des formations qui apparaissent chaque année vers le mois de septembre. Autour d’un savoir (désigné ordinairement par le programme), un contrat didactique se noue qui le prend pour enjeu d’un projet partagé d’enseignement et d’apprentissage. Et qui rassemble enseignant et élèves en un même lieu.
L’environnement proche d’un système didactique est d’abord constitué par le système d’enseignement. Il réunit l’ensemble des systèmes didactiques, et présente, à côté de cela, un ensemble diversifié de dispositifs structurels. Ces derniers permettent le fonctionnement didactique en y intervenant à divers niveaux .
Il inclut, par exemple, des moyens multiformes (officiels et officieux) de régulation des flux d’élèves entre les systèmes didactiques, assurant (entre autres fonctions) la formation de l’ensemble des systèmes didactiques comme viables.
Nous ne nous attarderons pas ici à ces questions, qui relèvent pour l’essentiel d’un autre domaine de l’analyse didactique. Et où se posent des problèmes également profonds. (touchant précisément aux conditions de la constitution viable des systèmes didactiques : telles celles de l’hétérogénéité et de l’homogénéité des classes).
Conclusion sur la transposition didactique
La transposition didactique : définition
Elle désigne donc le passage du savoir savant au savoir enseigné. Or, c’est à la confrontation de ces deux termes, à la distance qui les sépare, par-delà ce qui les rapproche. Et impose de les confronter, que l’on peut le mieux saisir la spécificité du traitement didactique du savoir.
En vérité, l’« oubli » du savoir savant ne prélude en rien au développement attentif de l’analyse du savoir enseigné. Il n’est que le premier temps de la substitution, à l’analyse du savoir enseigné, de l’analyse du savoir savant, dans l’illusion retrouvée d’une identité heureuse de l’un à l’autre.
La mise à l’écart affichée du savoir savant, en supprimant l’un des termes du problème posé, efface le problème. Elle prépare le retour subreptice et entêté de la fiction unitaire, que le concept de transposition didactique dénonce par le clivage qu’il pointe opiniâtrement dans le régime du « savoir ».
En sens contraire, dès lors que l’on assigne au savoir savant sa juste place dans le processus de transposition, loin que l’analyse de la transposition didactique se substitue indûment à l’analyse épistémologique stricto sensu, il apparaît que c’est bien le concept de transposition didactique qui vient permettre l’articulation de l’analyse épistémologique sur l’analyse didactique, et se fait alors le guide du bon usage de l’épistémologie en didactique.
Ainsi, les épistémologues nous apportent le concept de problématique. Or celui-ci se révèle être une arme très utile à notre chasse. Dans le passage de tel élément du savoir savant à l’élément qui lui répond – ou plutôt, dont il répond – dans le savoir enseigné, il y a d’abord un invariant.
En général un signifiant : « ensemble », « distance », etc.). Et il y a une variation, un écart, qui fait toute la différence. Et que l’examen des problématiques respectives – celle où est pris l’élément de savoir dans le savoir savant, celle où est pris l’élément de savoir mis en correspondance dans le savoir enseigné – ne manque généralement pas de faire surgir.
Exemples:
L’exemple de la réforme des mathématiques modernes est pour ce type d’enquête un exceptionnel terrain d’exercice. D’une manière très massive, le savoir enseigné s’est trouvé là modifié profondément, en peu d’années. Et on a dû ainsi transposer une foule d’éléments pris au savoir savant (aux mathématiques des mathématiciens).
Contrairement à certains cas de transposition, faciles à identifier par le spécialiste de la discipline, parce qu’ils résultent brutalement d’une décontextualisation des signifiants (suivie de leur recontextualisation dans un discours allogène), les transferts massifs opérés par la réforme ont permis de conserver des segments du discours savant suffisamment étendus pour tromper l’attention de mathématiciens qui parrainaient l’opération.
Or, si le contexte « discursif » était ainsi régionalement conservé, la décontextualisation véritablement réalisée se faisait par rapport à un autre contexte, mal identifiable et non identifié parce que transcendant au texte du savoir. Le réseau des problématiques et des problèmes où l’élément décontextualisé trouvait à l’origine ses usages, son emploi, c’est-à-dire son sens. On sait qu’il fallut quelques années pour que les mathématiciens s’aperçoivent de leur méprise.
Comment faire une transposition didactique ?
Les 2 étapes de la transposition didactique
Sources :
- Yves CHEVALLARD POURQUOI LA TRANSPOSITION DIDACTIQUE ? IREM d’Aix-Marseille, Faculté des Sciences de Luminy
- Yves CHEVALLARD la transposition didactique du savoir savant au savoir enseigné avec un exemple d’analyse de la transposition didactique. Collection dirigée par Nicolas BALACHEFF
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