Le concept de la transposition didactique met en avant qu’un savoir existe toujours à un moment donné, dans des institutions données. Cette notion correspond aux manipulations du savoir dans le cas des institutions d’enseignement. Yves Chevallard a introduit la transposition didactique issue du champ de la didactique des mathématiques en 1985. Nous nous intéressons dans cet article à la transposition didactique qui mène le savoir savant aux apprentissages des élèves dans un processus où le savoir se transforme en différents états : le savoir savant en savoir à enseigner par la transposition externe, puis le savoir à enseigner en savoir enseigné par la transposition interne. Donc, comment faire la transposition didactique et quelles sont les étapes ou la chaîne du processus de transposition didactique ?
Qu’est-ce que la chaîne de transposition didactique ?
la transposition didactique fonctionne par étapes, chaque étape étant effectuée par un expert. Ainsi, on retrouve souvent le terme de chaîne. Et pour cause, une chaîne désigne une suite de maillons liés les uns aux autres. La transposition exprime aussi cette liaison entre deux ou plusieurs états du savoir.
Les auteurs qui s’intéressent à la transposition didactique s’accordent en utilisant comme base une version élémentaire de la chaîne qui se présente comme suit :
Nous pouvons voir ici que le savoir de base est renommé en des noms différents selon les étapes qu’il traverse, pouvant exprimer des états transformés de ce savoir scientifique de base. Chaque transposition mène donc à une étape désignée par un état du savoir.
Ainsi, le savoir savant désigne le savoir validé et labélisé comme étant scientifiquement correct dans des conditions définies. En d’autres termes, c’est « un corpus qui s’enrichit sans cesse de connaissances nouvelles, reconnues comme pertinentes et validées par la communauté scientifique spécialisée. (…) Le savoir savant est essentiellement le produit de chercheurs reconnus par leurs pairs, par l’université. Ce sont eux qui l’évaluent ».
Le « savoir à enseigner » définit le savoir prescrit par les programmes, plans d’études et autres manuels scolaires. Il est le résultat de la transposition didactique externe du savoir savant et la base sur laquelle vont s’appuyer les professionnels de l’enseignement.
Après la transposition didactique interne, vient le « savoir enseigné ». Il exprime l’appropriation de ce savoir par l’enseignant, qu’il va transmettre aux élèves.
Finalement, les élèves intègrent le savoir enseigné de différentes manières par les élèves. C’est la dernière étape de transposition, qui mène au « savoir appris », « apprentissages effectifs et durables des élèves ».
Les deux étapes de la transposition didactique
Il existe deux étapes de la transposition didactique :
La transposition didactique externe
La première, appelée « transposition didactique externe », car elle a lieu hors du système d’enseignement, hors de la classe. Elle est réglée par ce qu’appelle Chevallard (1985) « noosphère », littéralement « la sphère où l’on pense ». La noosphère est donc l’ensemble des personnes qui pensent les contenus d’enseignement. Ce sont les les universitaires qui s’intéressent aux problèmes d’enseignement, les représentants du système d’enseignement (le président d’une association d’enseignants par ex.), les auteurs de manuels, les inspecteurs scolaires, les représentants de la société, le président d’une association de parents d’élèves) et les représentants du monde politique (le ministre de l’instruction publique, son ou ses chefs de service…).
La transposition didactique interne
La deuxième étape, qui consiste à adapter et transformer les savoirs à enseigner, tel qu’ils apparaissent dans les programmes et les manuels. Et par voie de conséquence les savoirs savants dont ils sont issus, en savoirs enseignés, est appelée « transposition didactique interne », car elle est le fait des enseignants et de leurs pratiques dans les classes.
De ce fait, les savoirs enseignés sont difficiles à connaître. Nous pouvons présumer que les savoirs enseignés sont nécessairement différents des savoirs savants, car ils n’ont ni la même origine, ni la même fonction, ni la même destination. Il serait incongru qu’un chercheur, après avoir exposé le résultat de ses recherches, propose à ses auditeurs des devoirs à faire à la maison. Sa fonction est de chercher, de trouver si possible, et non d’enseigner. L’enseignant, au contraire, devra imaginer des activités éducatives, monter des exercices, réaliser des documents d’appui. Sa fonction est d’augmenter la probabilité de l’appropriation des connaissances par les élèves. La distance, qui sépare le savoir savant du savoir enseigné, peut être de ce fait très importante. et schématisé par le scénario suivant : (Clerc, Minder, Roduit [2006] :
- Un chercheur communique les résultats de sa recherche à ses pairs en publiant un article dans une revue scientifique.
- Un journaliste spécialisé en fait un article de vulgarisation.
- Le rédacteur d’un manuel se réfère à la publication précédente.
- Un enseignant s’inspire du manuel pour monter une séquence didactique sur l’objet de l’article .
Tardy [1993] suggère des exemples de transformations que le savoir enseigné doit opérer sur le savoir savant :
- Les termes techniques, généralement réservés aux spécialistes, doivent être évités au profit des mots de la langue courante.
La transposition terminologique consiste donc à parler autrement de la même chose.
- Le savoir enseigné doit se borner à présenter le résultat des recherches comme des vérités, ou comme des faits réels et vrais. Il ne serait donc pas sujet à discussion, alors que le savoir savant fait souvent l’objet de vives querelles…
- Le savoir enseigné recourt beaucoup plus fréquemment aux exemples pour illustrer son propos que le savoir savant.
Conclusion
Les savoirs savants diffèrent des savoirs à enseigner et des savoirs enseignés par leur origine, leur fonction, leur destination. En effet, d’un point de vue très général, la transposition didactique exprime « l’action de faire passer quelque chose […] dans un autre domaine en l’adaptant à des conditions nouvelles, à un contexte différent ». Ainsi, lors de la transposition didactique externe, différentes transformations ont lieu afin que le savoir originellement savant soit « apprêté » et enseignable.
Sources :
- Lucien Marandola, du savoir savant au savoir à enseigner, une transposition complète. St-Maurice, février 2017
- La transposition didactique et l’avenir de l’École, Yves Chevallard, IUFM d’Aix-Marseille
- Lucien Marandola, du savoir savant au savoir à enseigner, une transposition complète. Mémoire de fin d’études à la HEPVS. St-Maurice, février 2017
Merci beaucoup
Très instructif. Merci beaucoup
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