L’apprentissage par problèmes (APP) est un modèle d’enseignement inspiré du courant socio-constructiviste. L’apprentissage par problèmes a d’abord été utilisé en médecine et par la suite été adopté pour l’enseignement de nombreuses disciplines, tant au niveau universitaire (génie, sciences infirmières, pharmacie, biologie, éducation, etc.).
Cette approche est ensuite apparue au primaire et au secondaire, grâce aux nouveaux programmes de formation. Donc, qu’est-ce que l’apprentissage par problèmes et ses origines ? Il y est également question de son application en classe (le pourquoi, le comment et le quand).
Qu’est-ce que l’apprentissage par problèmes ?
L’apprentissage par problèmes est une approche centrée sur les élèves. Ceux-ci, regroupés en équipes, s’engagent dans une démarche de résolution de problèmes sans avoir préalablement étudié ou reçu une formation à son sujet. Le problème est présenté dans le cadre d’une situation problème qui sert à l’apprentissage de nouvelles connaissances et au développement d’habiletés et de comportements.
Cette manière de faire contraste avec les méthodes pédagogiques traditionnelles ou les notions sont d’abord présentées, puis appliquées dans le cadre de problèmes.
La démarche compte ici davantage que la résolution des problèmes comme telle. En fait, l’accent n’est pas mis sur le fait de trouver la solution, car, à la limite, les élèves peuvent en proposer plusieurs.
Quelques avantages de l’apprentissage par problèmes ?
L’enseignant choisit l’apprentissage par problèmes lorsqu’il veut :
- Engager activement les élèves dans leur apprentissage ;
- Améliorer les habiletés de collaboration entre les pairs ;
- Développer l’autonomie des élèves à rechercher de l’information et à en juger la pertinence ;
- Soutenir l’utilisation des habiletés de haut niveau (application, analyse,
- Synthèse et évaluation).
- Favoriser l’intégration des connaissances et leur transfert.
L’apprentissage par problèmes mène au développement de stratégies cognitives et métacognitives. En effet, les élèves doivent participer à l’analyse d’un problème et émettre des hypothèses qui reposent sur leurs connaissances antérieures, leurs conceptions et leurs croyances, tenter de trouver des ressources qui leur permettront de trouver des solutions et réfléchir de façon critique à leur démarche.
Chaque situation problème abordée oblige les élèves à reprendre cette démarche et c’est ainsi qu’ils développent leurs stratégies d’apprentissage. Plus fréquemment les élèves sont exposés à l’APP, plus importante est l’acquisition des stratégies d’apprentissage.
Ce modèle permet également d’améliorer les habiletés de communication interpersonnelles. Étant donné que l’APP est réalisé en équipe, que chacun doit régulièrement jouer un rôle et qu’il se termine par une réflexion sur le fonctionnement de l’équipe, il permet d’améliorer l’efficacité du travail en équipe.
Enfin, plusieurs recherches confirment que les élèves formés en APP se disent plus satisfaits de leurs cours que ceux qui suivent des cours plus magistraux.
Pourquoi utiliser l’apprentissage par problèmes en classe ?
L’enseignant peut faire appel à cette méthode pédagogique pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, l’apprentissage par problèmes permet d’engager activement les élèves dans leur propre apprentissage. En effet, ils sont invités à participer activement à l’analyse d’un problème et à trouver des solutions en se basant sur leurs connaissances antérieures et leur capacité à rechercher et à évaluer de l’information pertinente.
De plus, cette méthode permet d’améliorer les habiletés de collaboration entre les pairs, car les élèves travaillent en équipe pour résoudre un problème donné. Cette collaboration régulière permet également d’améliorer l’efficacité du travail en équipe, ainsi que la communication interpersonnelle.
L’apprentissage par problèmes encourage également le développement de l’autonomie des élèves dans leur recherche d’information et leur capacité à évaluer la pertinence des sources consultées. Cela favorise l’intégration des connaissances acquises et leur transfert dans d’autres contextes.
Enfin, cette méthode permet de développer les stratégies cognitives et méta-cognitives des élèves. À chaque nouvelle situation-problème, les élèves doivent réfléchir de manière critique à leur démarche et à la pertinence des solutions proposées, ce qui renforce leur capacité à apprendre de manière autonome.
Ainsi, l’utilisation de l’apprentissage par problèmes en classe peut contribuer à la satisfaction des élèves vis-à-vis de leur apprentissage et à leur développement cognitif et social.
Comment l’intégrer à sa pratique ?
Un apprentissage par problèmes en milieu universitaire se réalise généralement en équipes supervisées par un tuteur. Les étudiants se rencontrent de trois à six heures chaque semaine pour travailler sur un problème (c’est ce que l’on appelle ≪rencontres tutorales≫).
Le rôle de l’enseignante (ou du tuteur) est d’aider les étudiants dans leur démarche d’apprentissage, que ce soit dans l’atteinte des objectifs scolaires ou dans l’atteinte des objectifs relevant de l’interaction entre eux. Au primaire, au secondaire et au collégial, il n’est pas possible de désigner un tuteur par équipe. C’est l’enseignante qui joue ce rôle, soit en considérant sa classe comme une seule équipe, soit en circulant d’une équipe restreinte à une autre.
La qualité des interventions (de l’enseignante ou du tuteur) est considérée comme déterminante pour la réussite de l’APP. Elle doit savoir quand et comment favoriser le questionnement, faire une remarque, stimuler la participation de tous, tout en respectant l’autonomie des membres de l’équipe.
L’enseignante (ou le tuteur) peut aussi concevoir ce que Guilbert et Ouellet nomment des ≪APP micro≫, c’est-à-dire des apprentissages par problèmes qui sont effectués à petite échelle à l’intérieur d’un cours (d’une à trois périodes jusqu’à une journée). Dans ce cas, l’enseignante rend tout le matériel nécessaire disponible sur place.
L’apprentissage par problèmes peut aussi se dérouler sur une longue période, voire une année scolaire. C’est entre autres le cas de la recherche-action pour la résolution de problèmes communautaires dans cette démarche particulière, ce sont les élèves qui déterminent le problème autour d’une problématique plus large amenée l’enseignante. Ainsi, la démarche RA-RPC est en fait à mi-chemin entre l’APP et la pédagogie par projets.
Les étapes d’une session d’APP (apprentissage par problèmes)
Étapes 1 à 5, réalisées en équipes
1. Lecture de la situation problème
Objectif : identifier tous les indices du problème et utiliser la terminologie appropriée.
Durant la lecture de la situation problème, les élèves relèvent tous les indices pouvant être utiles à sa compréhension. Ils vérifient, dans un dictionnaire ou un ouvrage de référence, le sens des termes nouveaux et des notions présentées.
Un élève de chaque équipe lit le problème qui suit :
Vous êtes en camping avec votre famille. Vos parents ont choisi cette année un endroit plutôt isolé en forêt, près d’un lac. Enfin en pleine nature ! Votre famille décide de faire, demain, une longue promenade dans un sentier balisé qui vous mènera à des chutes où vous pourrez vous baigner. Excités, vous vous levez au petit matin et apercevez des nuages gris très étendus dans le ciel. Est-ce que ce sont des cumulus, des cirrus, des stratus ou quoi encore ? Le vent souffle plus fort qu’hier. Vous vous demandez si c’est une bonne idée de faire cette promenade aujourd’hui.
Chaque élève note ensuite sur une feuille les indices qui permettraient de mieux comprendre la situation problème.
2. Définition du problème ( apprentissage par problèmes)
Objectif : déterminer les caractéristiques du problème.
Les élèves, après avoir effectué une analyse des indices, tentent de définir le problème en déterminant ses caractéristiques. Il faut alors départager ce qui est en lien avec le problème de ce qui est accessoire au problème.
Les élèves discutent afin de définir le problème : prendre la décision de faire ou pas la promenade en se fiant à l’apparence des nuages dans le ciel et à la présence du vent.
3. Formulation des hypothèses.
Objectif : formuler des hypothèses explicatives.
Les élèves ont pour tâche de formuler toutes les hypothèses explicatives possibles en se basant sur leurs connaissances antérieures et sur leur intuition.
Les élèves de chaque équipe discutent de ce qu’ils savent déjà sur la présence de nuages, de vent et de pluie. Ils proposent quelques hypothèses :
- La présence de nuages gris étendus est un indicateur de pluie, donc il ne faut pas faire la promenade ;
- Le fait qu’il vente plus fort avec la présence de nuages indique qu’il ne faut pas faire la promenade ;
- Il y a des nuages gris qui ne sont pas des indicateurs de pluie, c’est le vent qui fait la différence.
Toutes les hypothèses sont notées par un des membres de l’équipe de manière à permettre à tous d’avoir accès à toutes les hypothèses proposées.
4. Organisation des hypothèses
Objectif : hiérarchiser les hypothèses.
Les élèves effectuent un retour sur les hypothèses formulées afin d’établir une hiérarchie entre elles, allant de celle qui est la plus valable à celle qui est la moins valable. Ils tentent ensuite de schématiser le problème de manière à en faciliter l’étude.
Le réseau de concepts est souvent privilégié pour réaliser cette schématisation.
Les élèves revoient toutes les hypothèses proposées et établissent lesquelles sont les plus plausibles. Par exemple, la deuxième hypothèse est retenue comme étant la plus ≪prometteuse≫, ensuite la première et la troisième.
5. Formulation des objectifs d’apprentissage
Objectif : élaborer un plan.
Les hypothèses et les questions qu’elles soulèvent amènent les équipes à préciser les objectifs d’apprentissage et à tracer un plan qui énumère les renseignements dont elles ont besoin.
Chaque équipe détermine ses objectifs d’apprentissage, qui pourraient être les suivants :
- Définir les différents types de nuages et leur lien avec la pluie ;
- Vérifier s’il y a un lien entre la présence de vent et la pluie.
Les membres de l’équipe peuvent ensuite décider s’ils doivent consulter un ouvrage ou Internet pour trouver des informations sur les nuages et la prévision du temps, sur le vent, sur la prévision de la température (climatologie). Ils peuvent se partager les tâches à réaliser ou décider de faire toute la même démarche.
Les étapes 1 à 5 s’effectuent lors de la première rencontre et visent généralement à élaborer un réseau de concepts.
6. Recherche de l’information
Cette étape est réalisée individuellement.
Chaque élève consulte des ressources documentaires ou humaines afin de trouver les renseignements nécessaires à la résolution du problème. Cette étape se réalise individuellement entre deux rencontres.
L’enseignante alloue du temps en classe pour la recherche d’informations ou demande aux élèves de faire cette recherche à la maison. Dans le premier cas, elle s’assure de la disponibilité des ressources nécessaires. Une autre enseignante ou même un parent peut être désigné comme un spécialiste dans le domaine et se rendre disponible pour répondre à des questions.
Étapes 7 et 8, réalisées en équipes
7. Analyse critique de l’information recueillie et résolution du problème
Objectif : analyser l’information obtenue et tenter de résoudre le problème.
Les élèves de chaque équipe mettent en commun les renseignements recueillis et évaluent leur pertinence et leur validité (toutes les sources d’information n’ayant pas la même valeur). Ensuite, ils reprennent l’analyse du problème pour vérifier si la nouvelle information obtenue permet de le résoudre. Parfois, de nouvelles hypothèses ou de nouvelles questions émergent.
L’enseignant amène les élèves peuvent à dégager des généralisations. À cette étape, l’enseignant (ou le tuteur) doit s’assurer que chaque membre de l’équipe a bien assimilé les différents éléments d’information.
Après avoir pris connaissance des informations recueillies, les élèves de chaque équipe discutent de ce qu’ils retiennent sur les nuages, le vent et la climatologie pour clarifier la situation problème.
Des informations provenant d’un blogue se rejetent, car elles semblent non valides. Les élèves tentent ensuite de résoudre le problème : la famille peut-elle faire la promenade prévue ?
Les élèves peuvent aussi décider qu’ils ne détiennent pas assez d’informations pour rendre la décision et expliquent leur indécision.
L’enseignante doit encourager les élèves à présenter ce qu’ils ont compris, à discuter, à échanger sur les hypothèses énoncées pour tenter de les valider ou de les invalider. Elle ne donne pas la réponse, mais elle pose des questions incitant à faire l’analyse.
8. Approfondissement des notions
Objectif : préciser des notions à approfondir.
Les élèves précisent des notions ou des questions qu’ils aimeraient approfondir à la suite de leurs nouvelles découvertes.
Les élèves pourraient se demander si d’autres éléments peuvent prédire la pluie, comme les feuilles des arbres ou le comportement des animaux. Ils pourraient aussi se questionner sur les raisons expliquant la relativité des prédictions météorologiques.
Étape 9, réalisée individuellement et en équipes
9. Bilan de chacun des membres et de l’équipe
Objectif : analyser son fonctionnement à l’intérieur de l’équipe et établir l’état de ses connaissances.
Chaque élève, à l’aide d’outils d’autoévaluation, effectue son bilan personnel en tant que membre de l’équipe et participant au processus de résolution de problèmes. Il fait le bilan des connaissances acquises et des habiletés développées. Ensuite, les membres de l’équipe analysent la dynamique du groupe et l’efficacité de son processus de résolution de problèmes. Pour ce faire, ils discutent des difficultés rencontrées et des améliorations à apporter.
Par exemple, l’élève chargé d’animer le groupe évalue son habileté à donner la parole à chacun et réfléchit) la meilleure manière de s’y prendre la prochaine fois. Ensuite, les membres d’une équipe se demandent comment chercher et noter les informations recueillies de manière plus efficace, car ils ont dépassé le temps alloué pour le faire.
Le rôle de l’enseignant dans l’apprentissage par problèmes
Pour l’enseignante, l’apprentissage par problèmes est un défi a bien des égards. Elle choisit les apprentissages qui peuvent être réalises en APP, rédige la situation problème, planifie l’ensemble du processus et l’évaluation des apprentissages. Elle met finalement au point le matériel pertinent.
Se constituer une banque de problèmes
Il faut, dans un premier temps, choisir les problèmes qui permettront d’atteindre les objectifs visés. Plus ces derniers simulent la réalité de la pratique, plus ils sont intéressants pour les élèves.
Pour construire une banque de problèmes, l’enseignante observe des situations ou des phénomènes qui posent problème aux élèves, parce qu’ils sont complexes ou qu’ils font l’objet de fausses conceptions ou croyances.
Rédiger la situation-problème
Lorsque l’enseignante rédige une situation-problème à partir d’une situation réelle, il faut d’abord quelle la mette en contexte, puis la décrive sans prendre position. Ce travail de rédaction devrait idéalement être réalisé par les enseignantes impliquées, lorsqu’elles sont plusieurs d’un même niveau à adopter ce modèle d’enseignement.
La situation-problème doit mener à une activité de résolution de problèmes qui suscitera des questions chez les élèves. Elle peut même comporter des enjeux éthiques ou moraux.
Sources :
- Carole et Sylvie, Modèles d’enseignement et théories d’apprentissage, 2e édition CEC
- Altet, M. (1997). Les pédagogies de l’apprentissage. Éducation et formation.
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